Aujourd’hui, sur les plages, quand on ouvre le ventre d’une tortue de mer, d’un dauphin ou d’un baleineau échoués on y trouve des sacs de plastique, des bouts de caoutchouc, des bouchons de bouteilles, du carton, du film d’emballage... Matériel rêvé pour Antoine Spider-Crab et, Dudu son sorcier musicien en sombrero noir de coaltar et kilt couleur d’écailles. Matériel rêvé afin d’habiller un filet mural, structure de cordages sur laquelle le Spider-Crab évolue, lentement, tissant par petites touches le portrait d’un monstre marin dont la gueule aurait fait fuir Moby Dick, tandis qu’au sol -sur le rivage- le pirate au sombrero joue une partition musicale imaginaire aux multiples accents à partir d’instruments de musique qui, pour la plupart, en sont à peine : couvercles, bidons, ballons, tuyaux, bâches... Les sons rythment les déplacements de l’aCRABate (oui, bon...) et les contorsions de l’araignée qui dessine un œil, accroche une oreille et sa boucle brillante, pose un nez de clown, cerne une bouche lippue pour tracer le portrait de ce Léviathan de l’ère du pétrole et des plastiques... On vous dit Léviathan mais ça peut être aussi bien la grand-mère du Capitaine Crochet ou le cuisinier du "Hollandais Volant", qui sait ? Ce dont on est sûr : c’est un monstre qui ne dort que d’un œil et qu’un grand coup de corne de bélier, sirène mugissante dans la brume, peut mettre en fureur jusqu’à envoyer par le fond tout l’attirail et la quincaille qui va avec. C’est jamais tendres ces bestiaux...
Vendredi soir, OBA, la création d’Antoine Le Ménestrel, Jean-Marie Maddeddu, Vincent Lambert et Jean-Luc Bichon sortait de sa boîte de crabe. La recette n’est pas finie. Vendredi soir il manquait un jeu de lumières, par exemple. La recette finale on pourra y goûter encore à Brest pendant les jeudis du port du mois d’août et là ça se passera dehors, sous le regard critique des marins du Port De, flanqués de leurs bourgeoises et de leurs moussaillons, dans les odeurs de fish-and-chips ou de soupe de poissons, le tout au son de vagues plus vraies que nature et de cris de goélands. Ce jour-là encore ça ne manquera pas de sel cette affaire.
Photo : lefourneau.com